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marane la passionnée

Nous ne nous sommes pas promenés, nous nous sommes rencontrés inopinément. Je puis t’avouer que cela m’a causé le plus vif plaisir. M. Descré, lui, n’a pas éprouvé tout de suite le même sentiment, mais je crois qu’après avoir échangé quelques paroles avec moi, il a changé d’avis. Mon cœur l’a touché, mon esprit l’a charmé, et mon humour l’a diverti.

— Quelle modestie !

— Heureusement, la modestie n’a rien à voir avec mes affaires. Il sera temps d’être modeste quand mon mari sera pénétré de mes qualités. D’ici là, il vaut mieux que je ne les lui cache pas. Et puis, il ne faut pas oublier que ces compliments s’adressaient très respectueusement à Maria Lespir, une pauvre fille obligée de gagner sa vie et qui a besoin d’encouragement.

— Comment, cette mascarade n’a pas encore été éventée ?

— Non, je suis prudente. Je ne suis pas encore Mlle de Caye pour lui, mais je me réjouis de le lui annoncer.

— Et moi, je me réjouis de t’enlever à cette atmosphère. Quand nous reviendrons du Midi, je suppose que tu auras changé d’idée. Tu prendras alors une existence plus sérieuse et surtout plus conforme à ton rang.

Je laissai parler maman. Elle me développait ses plans. À notre retour de ce voyage, elle voulait se rendre chez des cousins habitant la Nièvre. Elle retrouverait là-bas une compagne de couvent qui avait un fils de l’âge d’Évariste.

Sa santé devenant meilleure, elle pensait à s’évader du cadre où nous vivions.

Naturellement, mon frère profiterait aussi de ces promenades. Il nous écrivait beaucoup pour le moment et son précepteur était fort content de lui. À lire les lettres qu’il nous adressait, son élève était le jeune homme le plus charmant et le plus travailleur qui fût.

Maman était de plus en plus apaisée par ces bonnes nouvelles. Elle ne craignait plus l’horrible spectre de l’alcoolisme. Elle me citait l’exemple d’Évariste, et, ce jour-là, elle me dit :

— Ah ! si tu étais comme lui !