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marane la passionnée

Je ne poussai nul cri de surprise. Je compris que mon âme se continuait par la réalité.

Simplement, je parlai :

— Quelle agréable coïncidence ! Vous avez trouvé le chemin pour monter jusqu’ici ?

— Mais oui, Mademoiselle ! J’étais curieux de revoir cette roche. Le temps est radieux et j’ai auguré qu’avec cette clarté, on découvrirait un horizon sans limites.

M. Descré souriait presque. Son visage était comme un printemps, lui aussi. Une chaude lumière s’échappait de ses yeux et ses lèvres perdaient le pli amer que j’y avais vu.

Je dis lentement :

— À regarder cette immensité, tous les chagrins se dissolvent. On est si petit devant elle, qu’on ne peut ressentir de peines inguérissables.

Il me regarda et murmura :

— Ma mère vous a appris ?

— Je sais que votre femme est morte et qu’elle vous a fait souffrir.

— Ce sont des souvenirs dont je suis un peu humilié. Je n’ai pas approfondi le caractère de la compagne que je m’étais donnée. J’aurais dû voir plus tôt que nous ne nous conviendrions pas.

— Oui, on se trompe, articulai-je fermement ; on remarque un visage qui plaît, on croit deviner une âme qui sera sœur de la sienne, et on s’aperçoit au bout de quelque temps que les deux cœurs ne vibrent pas à l’unisson. L’un a tout donné, et l’autre… a tout gardé.

J’eus, sans doute, une expression bien mélancolique en proférant ces paroles, parce que M. Descré me regarda, plein d’étonnement.

— Vous avez donc souffert, vous aussi, Mademoiselle ?

— De toutes mes illusions ! ripostai-je avec force. Je vivais solitaire et j’ai cru trouver une amie, mais elle s’est jouée de moi. Naïvement, je lui avais voué une tendresse, un dévouement inimaginables, mais elle n’a su qu’en rire. Elle possédait de jolis traits suaves et elle savait s’attacher les cœurs.

— Pauvre Mademoiselle, je vous plains bien. Mon histoire