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marane la passionnée

Malgré toutes les observations que maman m’avait faites à ce sujet, je restais convaincue qu’il serait mon mari. Ma foi dans cette réalité était inébranlable.

Je marchais plus posément, et mon âme se ressentait de ce calme. Sans doute, l’effort que j’accomplissais pour paraître une demoiselle de compagnie posée, m’aidait. Je m’en allais d’une allure sage, scrutant l’horizon sous mes lunettes jaunes, pour apercevoir celui que je voyais seul au milieu de toute cette nature.

Cependant, malgré toute ma hâte de le rencontrer, je n’allai pas du côté des Crares durant quelques jours. Une sorte de réserve me retenait, et aussi, ma présomption l’avoue, une grande sécurité.

Maman était satisfaite de cette abstention et surtout étonnée.

— Où es-tu allée, Marane ?

— À la ferme du Doc.

— Et puis ?

— Chez les Pendenec, panser le petit blessé.

— Pas aux Crares ?

— Non, maman.

— Tu deviens raisonnable. Je suis contente que tu ne te compromettes plus en dirigeant tes pas toujours vers ces parages. Enfin ! tu oublies ce M. Descré, comme tu as oublié M. de Nadière.

Ma mère rit.

— Non, je n’oublie pas, mais je me recueille avant mon mariage.

Maman sursauta :

— Ton mariage ?

— Toujours… avec M. Descré.

— Encore ?

Le visage de ma mère se rembrunit.

— Tu t’entêtes !

— Nullement. Je suis logique dans l’enchaînement des faits.

— Quels faits, grand Dieu ?

— La marche de nos amours.

— Marane, je te prie de te taire !