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marane la passionnée

— Maman ?

— Peux-tu légèrement parler de ces choses ?

— Mais, je n’ai pas connu la femme de ce Monsieur et je ne m’apitoierai pas sur le sort d’une personne qui a désespéré l’homme charmant que j’aime.

— Je te prie d’être plus réservée dans tes propos !

Je pensai que ma mère était dans ses humeurs sombres, ce qui lui arrivait depuis quelque temps. Je me doutais que j’étais pour quelque chose dans ce changement, mais je ne pouvais guère transformer les circonstances.

Pour le moment, mon âme était tendue vers M. Descré. Je rêvais. Je me promettais de belles promenades en mer, de grandes excursions le long de la côte. Je savais que nous ferions plus ample connaissance et qu’un jour il serait heureux de me trouver et telle que j’étais.

Cependant, je ne perdais pas de vue ce que M. le curé m’avait demandé et j’allai soigner la malade qu’il m’avait indiquée. C’était une brave femme qui habitait une masure. Je lui portai de quoi se nourrir pendant quelques jours et j’y joignis un bon billet. J’avais quelque argent, maintenant, et j’étais heureuse d’accentuer mes largesses.

Je revins joyeuse, enchantée de moi et des autres. Je nageais dans un beau lac de pensées qui convergeaient toutes vers mon amour.

Maman pouvait bien s’évertuer à me dire qu’il faudrait beaucoup de sagesse dans mon esprit. Qu’en pourrais-je faire ?

Le printemps venait. Toute la nature s’enveloppait d’une lumière dorée. Mon âme s’illuminait, elle aussi. Je formais le projet d’aller me promener sous la lune bleuâtre. Passer une nuit dehors pour assister au réveil des nids me tentait.

Je chantais en entrant dans la chambre de maman. Elle me dit :

— Tu as donc tant de raisons pour être gaie ?

— C’est le printemps ! Les oiseaux bâtissent ! Et je parlais de mon trousseau.

— Ton trousseau ?

— Mais oui…

— Quelles sont ces nouvelles idées ?