Page:Fiel - Marane la passionnée, 1938.pdf/155

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
155
marane la passionnée

Devant le perron, M. Descré s’étonnait de mes chiens, lesquels, comme deux cariatides, ne bougeaient pas. Leurs museaux, levés vers le seuil que je devais franchir, étaient immobilisés. Quand ils me virent, ils se dressèrent, et leurs bonds joyeux, ainsi que leurs aboiements, opérèrent sur moi une détente salutaire.

Je descendis les marches, tout en leur ordonnant de se taire.

M. Descré me salua et me félicita :

— Ces chiens sont fort bien dressés !

Cette remarque me flatta. Je me retins pour ne pas parler longuement de mes deux inséparables. Je me contentai de répondre :

— Ils sont fort intelligents.

Nous partîmes. Nous marchions tous les trois de front. Mme Descré tenait le milieu et c’était elle qui parlait.

Elle s’adressait souvent à son fils pour lui souligner la beauté d’un point de vue, l’étrangeté d’un pan de paysage. Avril allait naître et la terre commençait à être en rumeur.

On entendait des pépiements et les fleurs sauvages s’ouvraient.

Je marchais assez lentement pour laisser croire à mes compagnons que je n’étais plus très jeune, et aussi, je dois l’avouer, pour que la promenade durât plus longtemps.

Cependant, je grimpai allègrement. Madame Descré le remarqua :

— Vous avez l’habitude de ces montées. Quelle dextérité !

Je ne voulais pas rire, de peur de trahir la jeunesse que je cachais. M. Descré ne parlait guère. Je voyais qu’il modérait son pas par égard pour sa mère, et j’évoquais la rapidité avec laquelle nous escaladerions ces sentiers abrupts, si nous avions été seuls.

Nous arrivâmes au point que j’avais choisi. Mes compagnons s’exclamèrent d’admiration en découvrant la beauté du site qui se profilait à nos regards.

Rasco et Sidra m’encadraient en cherchant la tresse qu’ils devaient tenir dans leur gueule pour me garder. Ils ne comprenaient pas pourquoi mes cheveux se cachaient sous ma mante.

Je posai une main sur chaque tête, et cette caresse les