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marane la passionnée

— Quand donc auras-tu plus de tenue ?

— Il ne s’agit pas de tenue ! Je t’annonce que M. Descré n’est pas marié !

Maman me regarda sans comprendre. Je repris :

Alors, je puis l’aimer tant que je voudrai ! Je ne le vole à personne. Il est à moi, tu entends, ma petite maman. Il est à moi !

— C’est épouvantable, dit maman froidement, d’avoir une fille aussi exaltée. Tu divagues littéralement.

— En quoi ? m’écriai-je, furieuse de ne pas voir une joie à l’unisson de la mienne.

— Tu ne comprends rien à la vie. Sous prétexte que ce monsieur n’est pas marié, tu te figures que tu vas l’épouser ! C’est ridicule d’ingénuité. Il est probable que tu ne lui plairas pas. D’autre part, je puis te refuser mon consentement. Je n’ai pas besoin de te répéter que le mariage pour toi me semble interdit. Il faudrait que tu te confesses minutieusement. Tu ne peux apporter dans ton foyer une conscience que les remords assombrissent. Comment élèverais-tu tes enfants ?

J’écoutais. Un combat se livrait dans mon esprit. Il me semblait que j’avais mérité le bonheur. Cependant, je criai :

— Je ne me marierai pas, mais je puis avoir une affection.

— Qu’entends-tu par là ?

— Tout le monde sait ce qu’est une affection ! C’est une personne qui partage vos goûts et à qui l’on se confie.

J’avais éloigné le terme d’ami, à dessein, pour ne pas offusquer maman, mais elle me répondit :

— Oui, et cette personne vous donne un baiser, comme le voulait Jean-Marie !

Je devins rouge, et une irritation s’empara de moi.

— Il ne s’agit pas d’un rustre ! M. Descré est un homme du monde. Mais c’est un mélancolique qui a dû souffrir et je veux le voir sourire. Je veux que son visage s’illumine par moi, mais je ferai tout mon possible pour qu’il ne se marie pas avec une autre.

— Tu es possédée du démon, murmura maman atterrée.