Page:Fiel - Marane la passionnée, 1938.pdf/14

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
14
marane la passionnée

ravisai et je restai dans le petit salon afin d’écouter la conversation de Chanteux. Je me disais surtout que, le cas échéant, je prêterais aide à maman.

— Madame la comtesse, prononça notre régisseur, je me permets de vous déranger.

— Mais nullement, Monsieur Chanteux… Voulez-vous vous asseoir. De quoi s’agit-il ?

La voix de ma mère trahissait de l’inquiétude.

— Mon Dieu, Madame, reprit Chanteux, j’ai à vous parler d’une chose fort délicate.

— Qu’y a-t-il ?

J’eus un moment d’angoisse, moi aussi. Qu’allait donc encore révéler notre régisseur ? Une ferme démolie ? Un troupeau décimé ?

— Voici, Madame la comtesse… Je ne vous apprendrai rien en vous apprenant que Mlle Marane est des plus indépendantes…

Ouais ! De quoi se mêlait Chanteux !

J’écoutai plus avidement, me félicitant d’avoir succombé à ce péché de curiosité.

Maman répondit en se mordant les lèvres :

— Je ne peux guère le nier.

— Or, Madame, il faut absolument enrayer ces penchants, ces originalités qui donnent à jaser et qui terniraient la réputation de Mlle de Caye. Moi, j’entends les uns et les autres. Puis, comme Madame n’a pas beaucoup d’argent liquide, il faut à mademoiselle un renom intact pour remplacer une grosse dot.

Oh ! comme j’aurais battu Chanteux !

Ma mère murmura :

— Vous avez raison.

— Voici ce que j’ai l’honneur de proposer à Madame la comtesse, poursuivit Chanteux après s’être arrêté quelques secondes. Il existe dans la campagne, à vingt kilomètres d’ici, une pension pour jeunes filles du monde. C’est plutôt une maison de repos où ces demoiselles, fatiguées par leurs études, les sports ou les mondanités, viennent passer quelques semaines. Il me semble que si Mlle Marane y faisait un séjour, elle se trouverait bien de connaître quelques com-