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marane la passionnée

— Par moments, je me persuade que tu n’es pour rien dans sa… sa disparition, murmura maman.

Je ne répondis pas.

Ce silence galvanisa de nouveau ma mère, qui vint près de moi :

— Je te supplie, Marane, de me dire la vérité.

Je réfléchis quelques secondes. Ma conscience lutta.

Maman suivit les traces de mon hésitation.

Je me raidis. Je trouvai que les choses étaient fort bien ainsi et je répondis tranquillement :

— J’ignore de quelle vérité tu veux parler… Tu as toujours été effrayée par une masse d’apparences extraordinaires… Il faut te calmer, maman. Si tu partais en voyage avec Évariste ?

— Oh ! gémit-elle, je ne saurai jamais rien.

Puis, sans arrêt, elle reprit :

— Et toi ?

— Moi ? Je resterai ici à surveiller le domaine.

— Oui, c’est bien cela, tu ne peux t’arracher à cet endroit.

— Je ne le veux pas, ce qui est différent. Rien ne me plaît autant que ce pays, surtout maintenant où deux pensées le peuplent. J’ai les Crares qui m’intéressent et puis je rêve à ce Renaud de Nadière.

Ma mère se boucha les oreilles. Je lui souhaitai le bonsoir.

Le lendemain, il y avait de la neige.

Tout était blanc. Je redevins petite fille. Je voulus fouler le beau tapis pur où personne n’avait posé les pieds. Avec les chiens, nous fîmes une partie folle. La bise fouettait mes joues, c’était un vrai temps de Noël.

Nous espérions que mon frère passerait ces fêtes avec nous, mais il nous avertit que son ami l’emmenait chez lui.

Je fus quelque peu jalouse. Je n’avais encore rien eu d’agréable dans ma vie. Je supportais les minutes affreuses que maman réveillait constamment entre nous.

Nous fûmes très ennuyées qu’Évariste nous laissât seules, mais une lettre cordiale des parents de son ami nous parvint. Nous étions invités à rejoindre mon frère.

Cette idée me séduisit, mais maman s’y refusa.

Sa nature timide s’effarouchait de se rendre chez des personnes inconnues, aussi charmantes fussent-elles.