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marane la passionnée

Cependant, je dis avec force :

— Pas de faiblesse, maman. Quand je me marierai, nous sortirons d’ici… mon mari aura de l’énergie et je suis sûre que tout marchera à souhait.

Ces paroles ranimèrent maman. Elle releva le front et murmura :

— Tu serais un bon soutien, si tu étais moins sauvage, moins rude…

— Oh ! rude ! m’exclamai-je, je me sens un cœur de colombe… j’ai pitié des gens, des animaux et des choses…

— Comme tu t’abuses, ma pauvre chérie… Tu ressembles à un poulain, né en pleine brousse.

— Oh ! que je suis contente !

Je m’enfuis en riant. Le vent était vif et les feuilles tourbillonnaient en recouvrant la terre. Je m’amusais à les déplacer et elles crissaient sous mes pieds.

Rasco et Sidra furetaient et des oiseaux s’envolaient à notre passage.

Je voulais cuellir du houx. Je connaissais un endroit qui en était rempli. J’en fis une ample provision et comme les branches me piquaient, je priai un garde de les porter à la maison et je poursuivis ma promenade.

Dehors, le moindre brin d’herbe m’intéressait et quand j’étais rentrée, nul détail de l’intérieur ne parvenait à m’être agréable.

J’aurais dû vivre dans une roulotte et aller de pays en pays. Cependant, j’aurais eu de la peine à me détacher de la nature que j’avais sous les yeux.

La mer était une amie pour moi et la lande, mon champ de courses.

Allo ! c’est moi.

— Bonjour, Mamzelle, me dit poliment la fermière.

Ses yeux obliques glissèrent de mon côté.

— Où est Jean-Marie ?

— Dans l’écurie.

— J’y vais.

La fermière me regarda avec un sourire indéfinissable, mais sans plus de façons, je m’en allai vers l’endroit indiqué, suivie des deux enfants et de mes chiens.