Page:Fiel - Marane la passionnée, 1938.pdf/108

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
108
marane la passionnée

— Tu sais la nouvelle ?

— Laquelle, Mademoiselle ?

— Le Castel des Crares a des ouvriers.

— Ah !

Cela ne parut nullement l’émouvoir. Il reprit :

— Tant mieux. Plus il y a de monde dans un pays, plus c’est gai.

Je n’avais pas pensé à cela. Peut-être était-ce parce que je n’avais plus autant d’entrain. J’allais dans la vie, maintenant, comme dans un rêve, et il me semblait que tout s’était transformé autour de moi.

Je fus désolée que le pays pût devenir plus animé. Je n’éprouvais plus du tout le besoin de me distraire.

En rentrant, j’annonçai à ma mère :

— Le Castel des Crares me paraît devoir être bientôt habité.

— Cela n’a aucune importance, répondit maman.

— Sans doute, mais nos terres touchent aux leurs, et il faudra surveiller.

Ces paroles me vinrent aux lèvres sans que j’y réfléchisse. Je n’avais pas ces habitudes de propriétaire, ordinairement.

Je repris :

— Je serais curieuse de savoir qui va habiter là.

— En quoi cela peut-il t’intéresser !

Je ne trouvai rien à répondre parce que je ne ressentais pas autant de curiosité que j’en affectais.

Le lendemain, cependant, j’allai jusqu’aux Crares. Mais je ne vis rien. Les volets étaient clos et la maison me parut silencieuse. Aucun bruit n’en sortait.

Je m’en retournai déçue, sans m’expliquer pourquoi. Ce sentiment me domina tellement que je n’eus pas la force de le maîtriser.

Durant le dîner, je dis :

— Les futurs habitants des Crares ont fait cesser leurs travaux.

— Comment ! tu es allée jusque là-bas, encore aujourd’hui ?

— Oui, c’est mon but.

— Malheureuse enfant ! comme tu passes ton temps inutilement.