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marane la passionnée

Quand le repas fut terminé, je me préparai à sortir.

— Tu vas te promener ? me demanda maman avec étonnement.

Je l’avais accoutumée depuis quelques jours à ma société et elle se montrait surprise qu’après un incident aussi violent je pusse l’abandonner…

Cependant, je l’accompagnai dans sa chambre. Elle contempla un moment mon visage sombre et s’effraya :

— Marane, où vas-tu ?

Je ne répondis pas tout de suite.

— Parle, Marane, tu me fais peur.

— Pourquoi ?

— Je ne comprends plus ton visage.

— Est-il donc changé ?

— Il me paraît chargé d’ombre, tes yeux sont inquiétants, je t’assure.

— Cela ne me surprend pas, ripostai-je tranquillement.

— Pourquoi dis-tu cela ?

Je regardai ma mère en silence.

— Tu ne comprends toujours pas ? interrogeai-je.

Ma mère eut un tremblement.

— Que veux-tu donc faire ?

J’hésitai une seconde, puis je déclarai fermement :

— Je vais le tuer.

— Ah ! cria maman, tu es folle !

— Non pas, je suis juste. Pourquoi laisserai-je une bête malfaisante nous faire tout le mal possible sans chercher à l’écraser ? Cet homme disparu, nous vivrons de nouveau tranquilles, paisibles.

— Tu es folle, répéta maman, en se tordant les mains.

— Pourquoi nous laisser martyriser ?

— On ne se fait pas justice soi-même ! c’est l’affaire de Dieu !

— Dieu me pardonnera.

— Marane, reviens à toi ! supplia maman, avec tendresse. Je devine ta douleur de me savoir offensée, mais calme-toi. Je suis beaucoup plus malheureuse maintenant, parce que je te vois ces idées excessives de vengeance.

Nulle supplication ne put me retenir. Je m’arrachai des