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Le jeune homme, sitôt cette réponse, alla trouver M. Laslay peur lui demander la main de Denise. Rien, dans l’attitude du jeune homme, n’avait fait prévoir ce dénouement, et le professeur fut aussi surpris qu’heureux.

Gérard ajouta que son père ratifierait sa demande, mais que, assez pressé, lui, d’entrer dans la famille comme un fils, il ne voulait pas retarder cette joie.

— Je ne puis, bien entendu, répondre des sentiments de ma fille, répondit le professeur ému par l’inattendu de cette démarche, mais je serais étonné qu’elle n’accueillît pas votre demande favorablement…

À dire la vérité, Gérard n’en doutait pas non plus.

Quoi de plus naturel que d’accepter les faits tels qu’ils se présentaient ? Gérard ne songeait pas une minute qu’il était un parti que la jeune fille pouvait qualifier d’inespéré. Il voyait la chose à son point de vue personnel, qui était d’entrer dans une famille dans laquelle il compterait comme le huitième enfant.

Ce serait la revanche de sa destinée d’enfant unique, entouré de visage sérieux. Avait-il assez souhaité, naguère, de s’ébattre avec des frères, de rire avec des sœurs ? Toute son enfance mélancolique aurait ainsi une compensation.

Il trouvait Denise très agréable, et, depuis qu’il songeait à l’épouser, une tendresse nouvelle naissait en lui. Puis sa nature généreuse allait s’exercer. Il était heureux de ce moyen qui allait lui permettre de gâter toute la famille d’une façon en quelque sorte légitime. Il se réjouissait à l’avance de toutes les surprises qu’il allait pouvoir semer sans compter. Il songeait à la joie des cadettes, dont quelques rêves seraient réalisés. Il envisageait surtout de procurer quelque bien-être à la bonne Mme Laslay dont toute la vie n’avait été qu’économies et privations. C’était une mère qu’il allait trouver, et il voulait, en bon fils, lui payer tout un arriéré de tendresse.

Aujourd’hui, il appréciait la fortune comme une puissance qui lui permettait de réaliser des choses qu’il considérait de la plus élémentaire justice.

Comme il s’y attendait, sa requête fut accueillie avec faveur.

Denise en fut cependant aussi surprise qu’émue. Jamais Gérard n’avait montré qu’il la préférât. Le premier éblouissement passé, la fille du professeur mesura l’étendue du beau rêve qu’elle vivait.

Ses chances de se marier étaient rares. L’existence toute de labeur qu’elle menait laissait peu de place aux sorties où elle aurait pu rencontrer un fiancé éventuel. Elle ne fréquentait nulle société, nul cours de danse. Elle demeurait aux côtés de sa mère et de sa sœur, hors des heures où elle remplaçait son père dans des leçons à donner à quelques élèves.