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CHAPITRE XIII


— Il faut absolument que j’aille trouver le P. Archime, se disait le lendemain matin Mathilde en vaquant à ses occupations. Il faut que je lui raconte cette histoire extraordinaire.

La jeune fille était vite décidée, et dès 2 heures de l’après-midi elle s’achemine vers le XIIe arrondissement où l’ancien missionnaire avait fixé sa demeure.

À sa porte, Mathilde fut reçue par un Annamite qui lui apprit que « son » P. Archime devait être chez un pauvre miséreux dont il lui indiqua l’adresse. Comme la visiteuse ne voulait pas avoir fait sa course sans résultat, elle chercha le logis désigné. Elle trouva le religieux au chevet d’un grabat sur lequel un vieillard gémissait, couvert de plaies. Le P. Archime le pansait.

Mathilde, qui avait cependant la parole facile, ne put proférer un mot.

Comment, la veille, avait-elle pu ressentir quelque velléité de posséder plus de bien-être ?

Son père et ses sœurs n’étaient-ils pas, comme elle-même, riches de santé, de travail et de confort ?

À partir de cette minute, Mathilde se promit, quand elle croirait voir une ombre au tableau de son existence, d’aller visiter les déshérités de la vie. Elle savait que, ensuite, son sort lui paraîtrait enviable.

« Regarde au-dessous de toi pour estimer ton bonheur », a formulé le sage.

Mathilde contemplait le P. Archime qui donnait ses soins tout en entretenant le malade de visions réconfortantes. Il lui montrait le ciel ; il l’assurait qu’il serait comblé de félicité et qu’il n’y aurait plus pour lui ni souffrance ni misère.

La jeune fille admirait la bonté sublime du Père. Il avait donné sa jeunesse aux peuplades sauvages et il donnait le reste de sa vie à ses frères de race, semant l’espoir, aidant à franchir le passage qui relie les deux vies.

— Mon Père, murmura-t-elle, puis-je vous seconder ?

— Ah ! c’est vous, mon enfant… J’ai fini… Vous avez besoin de moi ?

— Je voudrais vous parler.

— Ce sera facile ; j’ai un petit trajet à effectuer pour aller chez un autre de mes amis. Nous ferons route ensemble.