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— Puis, continua Denise, je suis venue en France avec vous, car je restais triste et maman pensait que cela me ferait du bien de partir un peu plus tôt… Alors, voici que vous avez été conduite à demander un ouvrier à Mlle Bodrot dont le père occupe Gérard Manaud… Mon fiancé, je le nomme toujours ainsi, entend mon nom, perçoit le son de ma voix, craint de me gêner par ses occupations actuelles, et risque de se faire mal juger par vous en s’enfuyant…

— Est-ce possible !… s’écria Mme Alixin… Ah ! tout devient limpide pour moi, maintenant…

— Il avait peur de m’humilier… mais je suis plus brave que cela, si brave que je n’hésite pas à vous dire que j’aurais accepté de partager la vie de Gérard aussi humble qu’elle fût…

La voix de Denise se brisa dans un sanglot.

— Pourquoi ce passé et ce sanglot ?… demanda Mme Alixin, mal à l’aise par la décision que prenait la jeune fille avant l’arrivée de ses parents.

Elle ne voulait pas engager sa responsabilité dans une telle aventure. Maintenant, c’était ce sanglot qui l’inquiétait…

Mais Denise ne put répondre tout de suite.

Sa compagne reprit :

— Vous vous êtes entendus, ce jeune homme et vous ?… c’est pourquoi vous êtes revenue si gaie… mais je ne m’explique pas vos pleurs… C’est de la joie ?

Denise secoua la tête et put enfin répondre :

— Il est parti….

— Quoi !… parti ?… Que signifie ce nouveau mystère ?

Alors, Mlle Laslay, d’une voix entrecoupée, raconta qu’elle arrivait trop tard et que Gérard avait pris la décision d’accompagner son père en Espagne…

Mme Alixin eut un soupir de soulagement et s’écria :

— Je préfère cela !… mais oui, du moment que vos parents trouvaient sage qu’une rencontre n’eût pas lieu entre vous, je suis heureuse que les choses se soient passées ainsi… J’eusse été désolée que vos fiançailles se fussent renouées hors de la présence de vos chers parents… Je rends justice à votre cœur ; ce que vous aviez l’intention de faire est beau et prouve aussi que M. Gérard est digne de ce geste… Mais j’avoue avoir la plus grande estime pour ce jeune homme qui n’a pas voulu vous entraîner dans son obscurité… J’ai dans l’idée que ce mariage est en bonne voie d’exécution… Ayez donc un peu de patience…

Mme Alixin parlait comme Mathilde, et ses paroles réconfortèrent de nouveau Denise.

Elle reprit son air gai, et dit :

— Vous avez raison, chère Madame. Il vaut mieux que les choses se soient passées ainsi… Je sais que Gérard ne m’a pas