Page:Fiel - Le Sacrifice et l'Amour, paru dans l'Écho de Paris du 3 février au 7 mars 1934.djvu/176

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ple était d’agir comme s’il n’existait pas.

Le visage rayonnant de Bertranne blessa Christiane comme une fleur éclatante qui naît un jour de deuil.

Elle se tourna vers Robert. Leurs regards se croisèrent. Celui du jeune homme était sans expression et celui de Christiane inconsciemment triste.

Pas un mot ne fut échangé entre eux.

Tout de suite, Christiane rentra chez elle. Cet effort l’avait brisée. Elle en sortait étourdie, ne sachant plus comment elle vivait.

Dans sa chambre, elle pleura, ne pouvant concevoir comment elle s’était créé ce rôle. Son abnégation lui parut une folie, et la générosité une exagération qui leurrait les âmes, gonflant des sentiments dont on ne possédait que l’apparence.

Dans son désarroi, la pauvre Christiane s’en prenait à tout. Se voir seule, dans son hôtel luxueux, lui semblait insoutenable, alors qu’elle savait Bertranne au comble du bonheur.

Cependant, quand elle s’attardait sur la douleur de son amie, si elle eût été, elle, l’élue du jour, elle ne regrettait pas son acte et y trouvait au contraire un réel apaisement. Mais malgré toutes ses tentatives pour ne penser qu’à cette surhumaine satisfaction, sa torture la reprenait.