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superposées, taper là-dedans avec un pic et entasser les morceaux sur un chariot, n’est pas très malin. Nous avons failli être noyés, heureusement que j’ai vu le coup et j’ai crié : « Bouchez donc ça, malheureux ! l’eau va venir en trombe. » Les mineurs se sont empressés et le mal a été conjuré. Quand on a du sang-froid, les catastrophes sont évitées. À la remontée, nous avons eu une grosse panne d’ascenseur. Mes compagnons étaient blêmes, j’ai tout de suite vu ce qu’il en était, parbleu ! une petite interruption dans la machinerie… freins bloqués. Quand on connaît un peu la mécanique, on sait qu’un grain de sable peut arrêter une locomotive. Enfin, j’étais là pour rassurer les camarades… leur donner du courage. Une plaisanterie placée au bon moment, relève le moral. Quand un malheur arrive dans mon cercle, on dit : Allez chercher Marius ! et j’accours.

À ce moment, Léone s’arrêta et entra dans un magasin. Marius l’attendit en fumant une cigarette. Elle ressortit assez rapidement, et il s’empara du cabas.

— Eh ! jamais vous n’auriez pu porter cela ! il faudrait un cheval ! mais ne craignez rien, on s’en passera !

— Ce n’est pas tout ! il y a le pain pour l’autre sac.

— Ah ! mes amis ! heureusement que je suis là !

Quand le sac fut rempli de pain, il y eut quelques kilos en plus. Quand cinq hommes mangent dans une maison, le pain est nécessaire.

Le bon Marius eut à supporter ce chargement sollicité avec tant d’insistance. Il parlait moins et ne pouvait plus gesticuler. Léone allait à son côté, munie de paquets plus fragiles. Elle avait franchi le présent, et se croyait déjà la femme de Marius. Son pas était ferme et son regard assuré. Elle voyait l’avenir devant elle comme une route ensoleillée.

Marius entra dans la maison des Aumil où la ménagère attendait des denrées diverses pour son repas. Elle accueillit les arrivants avec étonnement surtout en voyant Marius chargé.

— Madame, je fais mon apprentissage de fiancé, votre fille a bien voulu m’accorder sa main.

Mme Aumil, bouche bée, regarda son futur gendre, sans trop croire ce qu’il disait. Léone, devinant l’incrédulité de sa mère, s’écria :

— Oui, maman, c’est vrai ! Marius veut m’épouser et je partirai pour le midi.