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l’ombre s’efface

Jacques n’avait entendu que la première partie de ma phrase, et il s’écria :

— Mort ?

— Non, non, pas tout à fait… Je ne crois pas que ce soit fini…

— Remettez-vous, ma chérie, et expliquez-moi posément ce que vous savez.

Je criai :

— Vous me croirez, Jacques, vous me croirez ?

Je joignis les mains dans un geste suppliant. Le sourcil de mon mari se fronça et il dit :

— Votre trouble m’épouvante. Je vous en prie, racontez-moi ce qui se passe ! Vous venez de chez M. de Gritte ?

J’aurais voulu que Jacques ne me questionnât pas encore et courût s’occuper d’Hervé, mais je compris qu’il voulait savoir.

— Non, non, je ne viens pas de chez M. de Gritte. Hervé m’avait priée de l’aider à choisir quelques objets qui garnissaient l’hôtel qu’il devait habiter avec Janine… et…

— Quelle est cette histoire ? Je ne connaissais pas ce projet ! Et ensuite ?…

— Et il m’a menti, menti !… C’est dans un guet-apens que j’ai été attirée !

— Ciel !

— Il m’avait dit que je serais avec Mme de Sesse, et je l’ai cru… Je suis partie toute joyeuse, sans vous en informer, de crainte de vous peiner en vous parlant des souvenirs de Janine.

Je m’arrêtai, suffoquée par l’émotion.

— Continuez ! me fut-il enjoint d’un ton dur.

— Quand j’ai compris dans quelle intention il m’avait attirée là, je l’ai supplié de m’ouvrir la porte. Poussée par l’horreur, j’ai tout essayé pour l’attendrir, et il m’a promis la liberté à condition que je danserais !

— Vil personnage ! s’exclama Jacques. Mais pourquoi cette affreuse machination ?

— Il voulait se venger de vous, parce que… Janine était morte par votre faute.

— Seigneur !

Ah ! que j’avais eu du mal pour prononcer cette phrase cruelle.