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l’ombre s’efface

Il vint vers moi, menaçant. Ses yeux m’effrayèrent et je me levai péniblement.

— Je ne peux pas ! bégayai-je, après avoir esquissé quelques pas.

Il me répliqua durement :

— On peut ce que l’on veut !

Je compris que je devais m’exécuter, et je repris mon supplice. Qui m’aurait dit qu’un jour je danserais cette « danse macabre » et que cet art que j’avais aimé passionnément deviendrait pour moi pire qu’un martyre ?

Bientôt je tombai, épuisée, mais j’eus la force de m’écrier :

— Maintenant, je puis partir !

Je cherchai mes chaussures. Je ne les trouvai pas.

Hervé me contemplait, sardonique, s’amusant de mon désarroi.

Je sentis une révolte furieuse monter en moi et je hurlai :

— Donnez-moi mes souliers tout de suite ! Tenez votre parole, infâme que vous êtes, sinon j’appelle au secours !

— Toute la honte en retombera sur vous, car ici je ne reçois que des femmes légères.

— Lâche !

— Aujourd’hui, il n’y a pas de Jacques Rodilat pour prendre votre défense. Vous êtes sous ma seule dépendance.

Il ricana atrocement et je vis que j’étais perdue.

— Vous ne partirez pas avant que j’aie eu un baiser de vous !

Il me saisit alors que, telle un fauve, je cherchais une issue à ma cage. Je me débattis avec une fureur qui décuplait mes forces. Je lançai des coups de poing et de pied. Mon horreur était à son comble lorsque son visage s’approchait du mien.

Tout d’un coup, l’étreinte de mon bourreau se relâcha et il tomba, foudroyé.

Je restai hébétée devant son corps. Il avait de l’écume aux lèvres et des mouvements convulsifs l’agitaient.

J’étais trop inexpérimentée pour le secourir. Je ne pensais qu’à une chose : fuir et prévenir quelqu’un.