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l’ombre s’efface

— Quels mots employer pour vous attendrir et vous convaincre de ma loyauté ? Vous n’avez donc pas peur que la honte de votre conduite ne retombe sur votre père ? Vous ne craignez pas de lui porter un coup terrible en exerçant une vengeance folle sur moi, qui suis innocente ?

Il eut un rire méprisant et dit :

— Que vous êtes belle dans votre douleur, et qu’il me plaît de vous voir ainsi suppliante devant moi !

— Oh ! ne me tenez pas de pareils propos dans des moments aussi tragiques pour moi !

— C’est vous qui les rendez tragiques !

Je criai :

— Monstre !

Je suis sûre que mes yeux lançaient du feu.

Soudain, je vis le visage d’Hervé plus harmonieux. Il semblait qu’un voile se détachât de son visage pour lui rendre une apparence calme.

Il me dit :

— Vous me demandiez ce qui pourrait m’adoucir ? Je vais vous éclairer.

Un espoir s’insuffla dans mes veines. Cet instant de répit me fit retrouver mes esprits. Enfin Hervé voyait l’ignominie de sa conduite et je ne doutais plus de son repentir.

J’attendis, cependant encore anxieuse.

— Vous allez danser pour moi.

Je tressautai. Cette proposition me parut si peu compatible avec les circonstances que je m’écriai :

— C’est inouï de vouloir cela ! Je n’ai pas de chaus­sures pour la danse et pas de musique !

— Qu’à cela ne tienne ! Vous danserez sur vos bas, et je remonterai mon phonographe.

J’étais terrifiée. Danser dans un tel moment, alors que des sentiments tumultueux m’envahissaient, où la peur dominait. Non, je ne devais pas me laisser faire, et fermement je dis :

— Je ne danserai pas ! C’est de la folie de me forcer à une telle dérision !

— Tu danseras ! grinça Hervé. Ta liberté est à ce prix.

— Respectez-moi en cessant ce tutoiement.

— Quelle dignité ! Personne ne t’a jamais tutoyée quand tu amusais les foules ? Eh bien ! tu la suppor­-