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l’ombre s’efface

— J’ai rendez-vous avec Mme de Sesse et M. de Gritte.

— Ah ! bien…

— Ils ne sont pas arrivés ?

— Pas encore.

Elle tira la porte plus largement et me précéda dans un joli salon confortable. Puis elle me regarda de nouveau d’un air indécis et murmura :

— Vous êtes une amie de Mme de Sesse ?

— Oui, répliquai-je, et c’est une bien charmante amie.

— Oui, et qui a eu du malheur.

— Vous la connaissez ?

— Je l’ai aperçue une ou deux fois.

Il y eut un silence, durant lequel cette femme me contempla encore avec quelque méfiance. J’eus un sourire et je me nommai, pour dissiper tout malentendu.

— Je suis Mme Rodilat.

Tout de suite ses traits changèrent et une expression de calme remplaça la moue pleine de trouble qu’elle m’avait montrée jusqu’alors.

Elle murmura :

— J’avais peur que ce ne soit encore une de ces demoiselles que M. Hervé reçoit de temps en temps ici.

Je rougis plus que de raison et je fus quelque peu scandalisée que ce charmant petit hôtel qui devait abriter Janine servît à des réceptions peu édifiantes.

Rapidement je répondis :

— Rassurez-vous, nous sommes ici pour une chose sérieuse, M. Hervé veut opérer un petit déménagement et emporter des objets qui appartenaient à Mlle Janine Rodilat.

— Ah ! oui, sa fiancée, répondit la domestique, avec un air quelque peu abruti.

Il semblait que de l’hébreu s’envolât de mes lèvres. Je n’étais pas loin de croire que cette domestique montrait quelque déséquilibre.

Elle marmonna :

— Il me semble qu’il n’y a pas tant de choses…

Je ne relevai pas sa réflexion, et pour la remettre d’aplomb je lui parlai de nouveau de Mme de Sesse et de son désespoir d’avoir perdu cette enfant.