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l’ombre s’efface

Cependant, afin de ne pas l’attrister, je ne lui parlai pas de la besogne douloureuse que nous devions faire le lendemain. Je voulais auparavant savoir quels étaient les objets appartenant à Janine, afin de les rapporter à la maison. Ensuite je lui apprendrais seulement la décision d’Hervé. Je n’aimais pas les nuages sur le front de mon mari, et quand je pouvais les lui éviter, je n’y manquais pas.

J’étais sereine parce que le changement si correct d’Hervé pacifiait mon esprit. J’étais toute soulagée de savoir que je n’aurais plus à lutter contre sa rancune.

Le cœur avait repris son empire sur lui, ainsi que la raison. Il avait sans doute compris que se venger était une bien laide action et il abandonnait ses horribles projets.

Le lendemain, dans la matinée, Clarisse vint dans ma chambre pour composer le menu. Ces questions m’étaient bien indifférentes, en quoi j’avais tort, mais il fallait en passer par ces attributions. Chez les Labatte, les repas étaient des nécessités auxquelles on se pliait sans s’y attarder.

Pour vivre, nous devions absorber de la nourriture, sans excès surtout, afin de conserver toute notre souplesse.

Mon mari tenait à une table délicate, et Clarisse m’enseignait à y veiller.

Quand cette élaboration fut terminée, ma fidèle cuisinière me dit :

— Madame a été contente de sa soirée d’hier ? Elle s’est bien distraite ?

— Tout à fait. MM. de Gritte ont été très aimables.

— Même M. Hervé ?

— Pas une fausse note. Il n’a pas montré de sentiments exagérés sur son chagrin, il ne s’y est pas appesanti et s’est entretenu amicalement avec mon mari. Son père était ravi de notre bonne entente. Clarisse eut une moue, puis murmura :

— En ce moment, il est occupé, notre beau jeune homme…

Je ne saisis pas tout de suite sa pensée et je répliquai :

— Occupé ? Et à quoi ?

— Dame ! à courir !