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l’ombre s’efface

— Je vous trouve un peu trop inflammable… et les passants se moquent de nous.

— Ne riez pas, vous me désobligeriez. Je vous assure que je regrette bien de ne pas vous avoir connue avant Jacques ! Il ne vous aurait pas épousée, oh ! non !

— Vous savez que je suis très heureuse d’être la femme du mari que j’ai.

— Pauvre petite ! C’est un garçon froid, sans élan comme sans fantaisie. S’occuper de fossiles, quand on a une femme si vivante près de soi !

— Taisez-vous ! Il est affectueux et prévenant.

Hervé me regarda durement et murmura :

— Ne me dites pas de bien de lui, sans quoi je le haïrai. Je veux bien le ménager, mais ne vous y trompez pas : ce sera uniquement pour vous que je le ferai.

C’était un marché. L’accent d’Hervé était si ferme que j’eus peur. J’avais cru avoir barre sur lui, mais c’était lui qui dirigeait le gouvernail. Un malaise me gagna et je regrettai d’être entrée dans l’intimité des MM. de Gritte.

Mon mari était si confiant, si heureux d’avoir repris contact avec eux ! Je me trouvais dans une impasse désastreuse, et je ne savais vraiment plus que devenir. J’étais persuadée qu’Hervé me poursuivrait de ses paroles incendiaires et qu’il me compromettrait aux yeux de mon mari, afin de rendre celui-ci malheureux.

J’étais torturée. Moi qui songeais à le conquérir pour l’adoucir, je le voyais ancré dans une résolution que je qualifiai de sauvage.



CHAPITRE VI


Je ne puis décrire les heures pénibles qui furent les miennes. Je ne savais plus quel parti prendre. La vie, que je voyais si belle quelque temps auparavant,