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l’ombre s’efface


CHAPITRE III


Le lendemain soir, je me préparai pour aller dîner chez M. de Gritte. Jacques m’avait priée de me mettre en valeur et je choisis une de mes plus belles robes.

Mon choix était assez compliqué, parce que mon mari me gâtait en toilettes comme en toute autre chose.

J’avais comme femme de chambre la petite aide que Clarisse avait formée à ce service. C’était une jeune fille de dix-huit ans qui avait l’instinct de la parure. Elle ne commettait nulle faute de goût. Elle me flattait, et comme je possédais toujours quelque naïveté, je la trouvais charmante.

Nous tombâmes d’accord sur la robe à revêtir, soit que ce fût son goût, soit qu’elle l’approuvât pour ne pas me contredire.

C’était un tissu de soie d’un bleu léger qui allait à mon teint de blonde. Les années, en s’écoulant, n’avaient pas foncé mes cheveux. Mes joues se nuançaient d’un rose tendre que mes yeux bruns soulignaient.

Ma femme de chambre murmura :

— Que Madame est donc jolie !

Il aurait fallu être de glace pour ne pas goûter un compliment qui semblait partir du cœur. Pourquoi ne l’aurais-je pas cru sincère, d’ailleurs, puisque tant d’autres m’avaient exprimé leur admiration et que mon mari lui-même me le faisait entendre ? Puis Hervé, la veille, n’avait-il pas été catégorique ?

Je fus donc contente de plaire, afin que les amis de Jacques lui pardonnassent le mariage qu’il avait contracté avec une jeune fille sans famille. Je ne disais pas « avec une danseuse », parce que j’étais fière de mon talent.

J’ignorais si M. de Gritte connaissait la profession que j’exerçais, mais je n’en avais pas honte. D’ailleurs