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l’ombre s’efface

mon mari pour poursuivre un flirt de cette importance.

Cependant, je ne désavouais pas qu’Hervé ne m’intéressât. D’abord sa beauté était prodigieuse, et je comprenais maintenant certains coups de foudre qui paraissaient des coups de folie.

J’avais entendu dire que certains hommes s’éprenaient subitement d’une femme en la voyant une fois. Je ne me dissimulais pas qu’Hervé pouvait provoquer un sentiment excessif. Je répète que son regard était empli d’une fascination avec laquelle il pouvait exercer une puissance néfaste, mais un mari comme le mien défiait toutes les tentations.

Puis, si je me montrais, plus tard, affectueuse envers Hervé, ma pensée demeurerait pure, parce qu’elle provenait d’une compassion. Mon rêve était de poursuivre le rôle commencé par Janine. Rendre ce caractère ténébreux aussi clair et aussi séduisant que son visage. Je m’identifiais à Janine qui se persuadait que de tels traits ne pouvaient enclore une âme noire.

Je suppose que mon bonheur me faisait perdre la tête. Je me prenais pour une fée qui détenait le pouvoir de métamorphoser les gens et les choses. Alors que je croyais que les éloges passaient sur moi sans laisser de traces, je voyais qu’ils s’enfonçaient dans mon esprit pour me rendre vaine et pleine de forfanterie.

Tout cet encens que l’on prodiguait à la danseuse restait accroché à mon subconscient sans que je m’en fusse doutée et il ressortait aujourd’hui pour me leurrer en me faisant croire que j’étais invincible.

Je voulais transformer ce malade, car je lui donnais ce nom pour le rendre moins dangereux à mes yeux, sans pressentir que j’allais jouer avec le feu et que, cette fois, je pouvais m’y brûler les ailes.