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l’ombre s’efface

ont été étranges, détournés, mais le but a été atteint, malgré tout.

Les ténèbres qui m’entouraient étaient enfin dissipées. Leur ombre reculait, s’effaçait…

Je me promis d’écrire dès le lendemain à l’abbé Humelot, mon si cher guide, au maire du village de Seine-et-Oise, qui n’aurait plus de suppositions malsaines quant à mes parents. Je devais prévenir aussi les bons Labatte qui, à l’autre bout de la France, continuaient leur vie de travail. Je me proposais de les gâter.

C’étaient là de douces besognes et je me redressais comme une plante qui a subi l’orage et qu’un rayon de soleil ranime.

Je n’aurais plus cette pensée obsédante de ne pas savoir d’où je venais, ni cette torture morale de me figurer que mes parents étaient peut-être des criminels.

Ah ! pouvoir regarder le monde en face sans recevoir de lui un regard dédaigneux ! C’était pour moi une volupté sans pareille.

Nous rentrâmes un peu tard, Jacques et moi, car je ne pouvais pas m’arracher de mes parents.

Quand nous fûmes dans notre logis, Jacques murmura timidement :

— Vous ne m’aimerez pas moins ? Vous oublierez les sottes paroles que je vous ai dites ? Je m’en veux extrêmement de les avoir prononcées…

— Soyez rassuré, mon amour : je les ai oubliées. Vous avez été vif, mais qui ne succombe jamais à un geste irréfléchi ?

Mon mari m’embrassa, non sans grande tendresse.

Le lendemain, dès que je vis Clarisse, je lui racontai le grand événement.

Elle ne se départit pas de son calme et me répondit :

— Je m’en doutais presque ! Ce n’est pas croyable ce que Madame peut ressembler à sa mère ! C’est la même démarche et ce sont les mêmes gestes. Ce qui m’amusera, c’est de savoir la tête que fera notre bel Hervé, quand il saura ce roman…

C’est vrai, je ne pensais plus à Hervé qui m’avait assez vertement insultée. J’avoue que le revoir me semblait assez pénible. Sa beauté n’avait plus aucun charme pour moi.