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l’ombre s’efface

— J’en serai bien soulagée ! m’écriai je. Il perdra ses idées malsaines, et je serai plus tranquille sur vous. Ses menaces me rendaient folles… Je ne vivais plus !

— Pauvre chérie !

— Et c’est pourquoi je me suis laissée berner. Je le ménageais, je ne voulais pas accentuer sa rancune en refusant de me rendre dans cet appartement. Je croyais, d’ailleurs, y trouver Mme de Sesse.

— Vous auriez pu aller la chercher, afin d’arriver ensemble.

— Oh ! j’y ai bien pensé, mais je sais que Mme de Sesse a l’habitude de se promener tous les jours, et je supposais qu’elle se rendrait directement au rendez-vous.

— Enfin, ce qui est fait est fait, prononça Jacques qui s’apercevait qu’un peu d’irritation me gagnait. Il ne tenait pas à aggraver la discussion.

Malgré cela, nous eûmes une soirée charmante. Mon mari me raconta sa tristesse durant quarante-huit heures. Il se demandait si je mettrais ma menace de partir à exécution. Il était fort tourmenté, me sachant absolue.

Je l’écoutais avec beaucoup d’intérêt, parce qu’il me révélait mon caractère. On s’ignore plus ou moins, et j’étais contente de savoir que mes paroles portaient. Je me réservais de lui avouer plus tard les raisons de mon joyeux pardon.

Le lendemain, je ne pensai qu’à l’agréable perspective de devenir la fille de M. et Mme de Sesse.

Je me demandais comment je m’y prendrais pour aimer mon père qui m’avait bien mal accueillie. Il me semblait que tout mon amour filial serait pour ma mère qui avait été si malheureuse. Mais il n’était pas encore question de cela ! Il fallait d’abord que je fusse sûre de ce que je rêvais, et j’en étais loin. Dans mon imagination, tout s’emboîtait à merveille, mais ce n’était pas suffisant.

J’eus ce jour-là une bonne visite : celle de Mme Tamandy. C’était toujours pour moi une heure joyeuse de la revoir. Sa vue seule m’était douce.

— Que je suis ravie de vous voir ! m’écriai-je en lui tendant les mains.