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l’ombre s’efface

— C’est effrayant ! Il me semble que je me débats dans un cauchemar.

Ma voix sembla redonner des forces à la pauvre mère, car elle reprit :

— Mon mari était la proie d’un violent malaise. Il murmura : « Je vous jure que je suis au comble de l’étonnement. Amélie a bien eu cette adresse et non pas une autre. » Je devenais folle et je criai : « Comment savoir où elle a porté notre enfant, maintenant qu’elle est morte ? — Quelle angoissante énigme ! » prononça mon mari. Un tremblement nerveux le secouait de la tête aux pieds. Il s’appuya sur mon épaule pour ne pas tomber, et ce contact me fit horreur, alors que je l’avais tant aimé. Il resta quelques minutes tout étourdi, puis bégaya : « Nous allons entreprendre des recherches. Il est impossible qu’une enfant se perde ainsi ! — Elle est peut-être morte ! criai-je, et je ne la verrai plus jamais ! » Nous reprîmes tant bien que mal le chemin du retour, par le car qui desservait cette localité. Nous ne pûmes dire un mot, étant entourés de voyageurs qui portaient leur attention sur nous, car nous devions avoir des masques tragiques. En plus de cela, des tressaillements nerveux nous secouaient. Enfin, ce supplice cessa. Quand je fus seule avec mon mari, des reproches véhéments sortirent de mes lèvres à son adresse : « Voilà où vous a mené votre crédulité et votre jalousie ridicule ! Cette Amélie vous aimait et, voulant se faire épouser de vous, elle a inventé l’histoire de votre infortune conjugale et a soustrait notre enfant à notre affection. Sentez-vous votre conduite ignominieuse à mon égard ? » M. de Sesse ne pouvait que s’accuser et me supplier de lui pardonner, mais je ne ressentais plus pour lui que de l’aversion. Il était aussi bouleversé que moi et il finit par avoir une syncope sous l’avalanche de reproches que je ne lui ménageai pas. Je dus me taire. Il fut alité longtemps. Le résultat de la « punition » dépassait tout ce qu’il avait pu imaginer et il en était complètement désaxé. Sitôt qu’il fut à peu près remis, nous commençâmes des enquêtes qui n’aboutirent pas. Aucune nourrice ne répondit à nos appels et nous en conclûmes que ma si chère petite fille était morte. De crainte d’une grave sanction, la nourrice chez qui elle avait échoué