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l’ombre s’efface

fallait, de toute urgence, la tenir au courant de mon aventure. Elle saurait ainsi qu’Hervé s’était servi de son nom pour m’attirer.

Aussi, vers quinze heures, je m’acheminai vers la demeure de cette charmante femme.

Je la trouvai dans son petit salon où, un ouvrage dans les mains, elle occupait son temps.

Quand elle me vit, elle s’écria, la joie aux yeux :

— Oh ! voici ma si chère jeune amie ! Que vous êtes bonne de ne pas m’oublier ! Il me fallait votre présence pour faire envoler mes papillons noirs. Vous avez eu de la divination.

Je répliquai en riant :

— J’apporte dans mon sac de quoi vous distraire. Vous allez entendre mon récit.

Tout d’une haleine, je lui racontai ce qui m’était survenu. J’y ajoutai des commentaires :

— Oui, mon mari m’a crue infidèle et il ne m’a pas épargné les choses pénibles. J’ai été désespérée et j’ai beaucoup de mal à lui donner une absolution.

Je ne riais plus. Cette conversation, commencée sur le ton badin, dégénérait pour moi en tragédie.

En répétant les paroles de Jacques, je sentais de nouveau leur injustice et leur cruauté. Les larmes gonflaient mes paupières.

— Ma pauvre petite amie, murmura Mme de Sesse, merci de vos confidences. Je déplore cette affreuse conduite d’Hervé, mais écoutez ma confession, et votre grief vous semblera mesquin à côté de ceux dont je vais vous faire part. Je ne sais pourquoi je suis poussée à vous confier cet aveu douloureux, à vous, si jeune et si neuve dans la vie. Peut-être est-ce que j’obéis à un sentiment de compassion pour vous consoler dans votre déception.

Mme de Sesse s’arrêta, pendant que je la contemplais dans sa pâleur accentuée. Elle reprit, un peu haletante :

M. de Sesse m’a jugée coupable, lui aussi, et la punition qu’il m’a infligée a eu des suites terribles, indépendantes de sa volonté. Une femme de chambre s’était éprise de lui. Elle me négligeait et n’avait d’attentions que pour mon mari qui restait fort indifférent à son égard, car il m’aimait. Cette fille en concevait un dépit affreux. Je surprenais parfois les