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l’ombre s’efface

Bart et M. de Gritte paraissaient profondément consternés et insistaient sur l’incohérence des actes d’Hervé quelques jours avant ses crises.

Cela pouvait plaider en sa faveur. Je me rappelais sa douceur des jours précédents. N’étant pas prévenue, je pouvais avoir confiance.

Je me disais : « Décidément, la confiance ne me réussit pas ! » Il me fallait réprimer cette tendance.

Le père et la tante étaient allés tous deux près d’Hervé et n’avaient pas été étonnés de le voir dans un état léthargique. Son docteur l’avait examiné et une infirmière le veillait.

Nous n’avions donc aucune raison de nous inquiéter. Seule victime, je restais avec mon paquet d’injures sur l’âme.



CHAPITRE IX


Je restai sur mes positions, mais sans plus parler de départ. Je me montrais un peu distante, et Jacques semblait s’en étonner. Il m’avait toujours vue sereine et de commerce agréable, plutôt prompte à m’égayer.

Au fond, j’étais toujours bouleversée par les paroles cinglantes de ces deux hommes qui m’avaient trop fait sentir mon passé. Je n’étais pour rien dans mon origine et j’avais assez répété à Jacques combien l’obscurité de ma naissance me tourmentait. Ces reproches formaient une tache sur l’amour que professait mon mari pour moi. Je me demandais maintenant si son cœur était bien en jeu et s’il ne m’avait pas épousée par toquade, par caprice, et qu’il le regrettait.

Quant à moi, je l’aimais sincèrement. J’aurais accompli bien des sacrifices pour lui et, de plus, je lui vouais une gratitude sans limite pour m’avoir élevée à ce titre d’épouse honorée. Je sentais qu’il se repentait de m’avoir soupçonnée et de m’avoir lancé des paroles fâcheuses ; mais, comme le disait Clarisse,