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l’ombre s’efface

exagérée, et je me prenais à penser que mon devoir était de fouiller dans les ténèbres de mon arrivée dans ce village de Seine-et-Oise.

Mais comment procéder ? Je ne possédais nulle initiative, si ce n’est pour danser ! Depuis un an, je ne dansais plus, tout à mon foyer.

Depuis que j’étais retournée, après mon mariage, chez la femme Nébol, je ne l’avais plus revue.

Je me demandais si je ne devais pas aller de nou­veau dans le pays pour m’y livrer à une enquête plus approfondie. Lors de notre visite, mon cher mari n’avait pas voulu questionner qui que ce fût à mon sujet. Il m’avait dit :

— Vous m’êtes chère comme vous êtes, et je ne désire rien d’autre.

Je n’avais pas insisté, craignant une révélation qui m’eût plongée dans la honte, devant lui.

Aujourd’hui, mon dessein prenait corps. Je voulais savoir, mais seule. De peur d’apporter à mon mari quelque terrible surprise à mon sujet, je voulais opérer dans le plus grand secret.

Ce projet me produisait l’effet d’une montagne à percer.

J’étais tenace. Ma réussite l’avait prouvé.

Mon mari composait un livre sur des fouilles gallo-romaines, et parfois il s’absentait vingt-quatre heures et même quarante-huit, pour conférer avec des savants avec lesquels il prenait rendez-vous au lieu même de leurs découvertes.

J’attendis un de ces jours-là pour retourner dans mon pauvre village.

Je dis donc à Clarisse, ma dévouée cuisinière :

— Je sors pour tout l’après-midi, ma bonne Clarisse. Je vais avec Mme Tamandy ; nous allons visiter un château dans les environs.

— Bien, madame.

En plus de la gêne causée par ce mensonge, je partis avec de l’inquiétude au cœur.

J’étais vêtue simplement d’un tailleur couleur prune. Ma blouse était blanche, ainsi, que mon cha­peau très modeste.

Le temps était celui d’un automne commençant. Les lointains s’estompaient dans une brume qui annonçait un bel après-midi. De la portière de mon