Il employa quelques minutes à redonner au bateau sa silhouette élégante et, avec un battement de cœur, il le remit sur l’eau. Un second naufrage ne l’effrayait plus, mais il n’eut pas à le craindre. Le navire vogua légèrement, vira selon la brise, fut bousculé par un poisson, mais il resta ferme.
Les parents applaudirent et félicitèrent Amédée, qui, de nouveau, rayonnait de joie.
— Je me demande ce qui a pu lui arriver tout à l’heure ? murmura-t-il.
— Un poisson l’aura culbuté par jalousie ! avança M. Bompel.
À ce moment, Nil regarda Legrise avec intensité. Ce dernier comprit l’accusation muette de ces yeux et, goguenard, il s’écria :
— Que d’histoires pour un bateau qui sombre ! il faut qu’Amédée soit une fameuse tourte pour pleurer pour ça !
Mme Legrise esquissa un rire léger, tout de suite arrêté par les paroles de son mari qui disait :
— Il faut considérer la joie de ton camarade de nous montrer le résultat d’un long travail, et sa déconvenue en nous faisant assister à un fiasco… Quand on a un peu d’amour-propre on ressent vivement ces choses.
Legrise ne répondit rien à son père. Il se détacha du groupe et, reprenant la perche qu’il avait cherchée comme secours, il s’en alla en battant les buissons.
Nil le suivit. Ils se trouvèrent face à face !
— Alors, dit Nil froidement, pourquoi as-tu fait sombrer ce bateau ?
— Dis donc… qu’est-ce qui te fait croire que c’est moi ?