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une conversation nous n’en serions pas sortis. C’est pourquoi j’ai repoussé toute occasion d’entretien, et j’en ai été privée, croyez-le.

— Si vous avez de l’esprit pour vos tricots, vous en avez aussi pour vous justifier. Convenez que, ce soir, vous me devez une compensation en échange, d’autant plus que le temps est délicieux.

— Vous pensez sans doute à une promenade ? Vous avez raison. Prenons la grande allée.

— C’est cela.

Nous fûmes bientôt sous les arbres et, comme si Gustave eût deviné le sujet que je désirais aborder, il commença :

— Mon père avait une passion pour les arbres. Il détestait l’air des villes et ma mère partageait ses goûts. À la mort de mon père, j’ai cru qu’elle habiterait Lyon avec moi. Bien au contraire, elle s’est ancrée plus profondément dans notre vieille propriété.

— Vous avez encore votre mère ?

— Grâce à Dieu ! Une mère très jeune, très gaie, qui vit entre ses pauvres, son église et son curé. L’été passe pour elle comme un tourbillon au milieu des fleurs, des fruits et des conserves. Elle en distribue à tout le monde. Elle n’est jamais lasse, jamais triste. Quand je la vois, je crois être en présence de ma sœur aînée. D’ailleurs, elle n’a que dix sept ans de plus que moi, ce qui lui fait, voyons… quarante quatre ans.

D’instinct, j’aimais déjà cette jeune maman d’un grand fils. Je me voyais déjà chez elle, à la campagne, l’aidant dans ses charités et dans ses travaux ménagers.

Mais ce portrait en appelait un autre et je n’eus garde d’y manquer.

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