Page:Fiel - Coups de foudre, 1947.pdf/72

Cette page a été validée par deux contributeurs.

L’heureuse paix n’était plus, et mes pensées se mirent à danser une ronde désordonnée.

Ferions-nous connaissance ? Me trouverait-il à son goût ? Peut-être, mais alors, il m’épouserait pour ma fortune ou plutôt, selon ses principes, parce que j’avais de la fortune.

Je ne me faisais pas de ma petite personne une opinion démesurée, mais enfin, c’était malgré tout un peu vexant.

J’étais bouleversée. Je m’attendais si peu à cette rencontre que j’avais quelque peine à me remettre. Il m’était surtout désagréable de me savoir seule. Que penserait-il de mes allures désinvoltes ? Cependant, aurais-je pu agir autrement, à moins de m’enfermer comme une pensionnaire de l’ancien régime ?

Puis j’abandonnai ces idées « vieux jeu » comme une vieille robe usée dont on ne veut plus se souvenir. Je redevins Ila la franche, à la conscience sans reproche.

Peu à peu, mes idées s’éclaircirent et je conçus un nouveau plan. Décidément, mon cerveau ne chômait pas.

Si ce monsieur daignait me remarquer, je ne lui avouerais pas mon million. Je blâmerais les jeunes gens qui ne recherchent que l’argent sans s’occuper des qualités morales. Je crierais mon dédain pour ces beaux messieurs qui exigent tout d’une jeune fille : l’intelligence, la beauté, le sérieux, la douceur et une belle dot par surcroît. Je m’enflammais et préparais une petite liste des dons et vertus exigés par les épouseurs.

Il me prenait un grand désir de me venger.

Si je m’apercevais que le penchant de M. Chaplène pour moi s’affirmait, je le mettrais en face de

— 70 —