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Je me sentais belle en effet, comme une rose que le soleil épanouit, et je regardai René Déflet d’un air vainqueur.

En le quittant, je lui serrai la main, mais, ce faisant, je fus déçue. J’aime les bonnes poignées de main solides et franches. Dans celle-là je ne trouvai que des doigts mous, une étreinte sans énergie. Mais, j’ai si grande tendance à me forger des idées fausses en ne m’attachant qu’aux apparences, que je m’efforçai d’oublier cette impression.

— Nous nous reverrons tout à l’heure, chuchota René Déflet.

Dans ma chambre, je chantai, Dieu me pardonne ! Je me voyais déjà mariée à ce presque inconnu. Chose étrange pourtant : à son visage se superposait toujours celui de Gustave. Décidément, la mémoire est vraiment, comme l’a dit je ne sais plus qui, un papier buvard. La première image reste nette.

J’avais des ailes ! Je bondissais sur le tapis de ma chambre. Je me sentais environnée de sympathie, et, si l’on m’eût assuré que j’étais seule dans la vie, j’aurais protesté avec véhémence.

Cet amour que je venais de conquérir me donnait une assurance extrême.

Un dernier coup d’œil à ma toilette et je gagnai la salle à manger où le dîner allait me remettre en présence du Prince Charmant.

Sur le palier je rencontrai le « promis » de Sidonie qui me fit un beau salut militaire.

— Mademoiselle n’y vient pas souvent, dans l’ascenseur !

— Le premier étage n’est pas haut…

Je pris ma place à table. René Déflet occupait déjà la sienne. Les regards que nous échangeâmes

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