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nécessiteuse. Il revenait justement de visiter de braves gens dont l’un des enfants (le dernier de huit) était tombé gravement malade. Il lui fallait des soins coûteux et le budget était déjà bien difficile à équilibrer avec le maigre salaire du père. La maman, prise par ses travaux ménagers et maternels ne pouvait songer à travailler.

Je remis un don pour ces malheureux et je rentrai chez moi, allégée. Mes pensées avaient pris un autre cours. Je songeais à la joie de ce ménage qui, disait le prêtre, n’avait jamais désespéré et s’était complètement abandonné à la Providence. Je serais peut-être l’un des petits rouages de sa résurrection et je m’en trouvais réellement heureuse. J’oubliais presque Gustave Chaplène, mon triste héros, qui refusait de faire mon bonheur… et le sien (de cela j’étais sûre). Après tout comme disait Pauline, ce prétendant récalcitrant n’était pas unique au monde. Sans doute, plus tard, rencontrerais-je quelqu’un de plus compréhensif.

Je poursuivis mes préparatifs de départ et les jours passèrent. D’essayages en essayages, j’arrivais souvent en retard au bureau où je n’avais pas voulu donner ma démission ; mais, grâce à la gentillesse de mes collègues tout se passait le mieux du monde. Avaient-elles remarqué quelque changement dans mon attitude ? Je ne sais. Le fait est qu’elles se montraient fort complaisantes.

Sur ces entrefaites, je reçus de la femme de mon notaire une invitation à dîner que j’acceptai. Je m’habillai, pour m’y rendre, avec le plus grand soin. Je me sentais en beauté. J’évoquai le neveu qui devait me subjuguer et je me demandai s’il aurait assez de magnétisme pour empêcher le voyage que j’avais projeté.

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