Page:Fiel - Coups de foudre, 1947.pdf/21

Cette page a été validée par deux contributeurs.

que j’avais la nostalgie d’un repas soigné, je n’y pouvais songer. Aujourd’hui, quand tous les bons restaurants m’étaient ouverts, ce dîner venait à moi. En outre, je ne risquais pas de demeurer célibataire. Un neveu sortait de terre, aussi subitement que mon million… Cher maître Praquet !

Mais je ne perdis pas de temps à philosopher. Je me demandais s’il fallait envoyer ma démission au bureau ou attendre encore. Au fond, rien ne pressait. J’étais bien portante et maintenant que je n’étais plus forcée de travailler le travail me plaisait. Et surtout je ne voulais pas aviser mes collègues de ma fortune nouvelle. J’aurais entendu des soupirs et des plaintes autour de moi et il m’eût fallu le Pactole pour contenter tous les nouveaux amis qui se seraient révélés à ma générosité.

Avec une sagesse toute nouvelle, je résolus donc de me marier d’abord et ensuite, tout naturellement, je quitterais mon emploi. Alors Pauline dévoilerait mon jeu. Pauline était la seule à laquelle je ne voulais rien cacher, parce que j’avais formé un plan que je croyais irrésistible. Ma présomption égalait mon audace.

Le lendemain du jour qui suivit ma visite chez maître Praquet, j’invitai mon amie, à venir chez moi le soir. J’avais préparé une collation digne d’un conte de fées. Pauline survint à huit heures et quand elle aperçut ma table si magnifiquement parée, elle eut un regard effaré, puis murmura, moqueuse :

— Olaf… Haakon… Gustav… ?

Nous éclatâmes de rire ; j’empoignai une chaise et j’attaquai une danse frénétique, puis je tombai sur mon divan, ivre de joie débordante.

— 19 —