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là à conclure que j’allais gagner un lot important, il n’y avait que l’achat du billet.

Je m’endormis avec des projets éblouissants, et, le lendemain matin, je ne me jugeai pas folle le moins du monde en songeant à ma résolution de la veille.

J’achetai mon billet en me rendant à mon bureau. La vendeuse me demanda :

— Quel chiffre désirez-vous ?

— N’importe lequel, murmurai-je.

On croit à son étoile, ou non ! Je pris le billet tendu : 246271. Le 1 en finale me fit grimacer. Je n’aime pas ce chiffre. Il ne me rappelle rien de fatal, mais on possède en soi des antipathies irraisonnées. Le 1 me semble falot, sans moelle… C’est ainsi que le mardi, également, me paraît insipide. Il me semble surgir dans la semaine comme une « cheville » dans un alexandrin.

Pourtant, je ne voulus pas échanger mon billet, de crainte de me créer un regret. Je devenais superstitieuse. Je l’emportai, peu fière, sans la belle confiance que j’escomptais. Je parvins cependant à oublier ce chiffre fatidique et j’attendis le jour du tirage avec fièvre. Heureusement pour moi ce n’était plus qu’à une semaine de là et je n’eus pas à m’énerver longtemps.

Mais quel battement de cœur lorsque je dépliai le journal qui devait me fixer sur ma destinée !

J’eus presqu’un vertige de colère, et surtout d’amère déception en voyant que nul 1 ne figurait comme dernier chiffre au tableau des numéros gagnants. Je me sentis lésée… J’avais si bien arrangé ma vie. En imagination, j’avais déjà employé quelques fonds pour me présenter à M. Gustave Chaplène parée de tous mes avantages. Maintenant,

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