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cinéma !… cinéma !…

plement à de rares lunches de mariage. Celui qu’on lui servit lui parut délicieux. Il était doux, sucré et pétillait agréablement. Il lui donna une sensation in­connue qui la transporta dans un monde irréel. Elle en prit un second verre et ne sut pas comment sa parole s’anima. Les mots lui arrivaient rapides et parfois spirituels, si bien qu’elle fut le centre du petit cercle. Elle voyait les invités qui riaient autour d’elle et se croyait de l’esprit. Elle ne remarquait pas les regards qui s’échangeaient entre ceux qui l’entou­raient. Un vertige lui arrivait ainsi qu’une chaleur anormale. Le nommé Louis lui prit la main, en l’appe­lant « belle chérie ». Elle ne s’en offusqua pas, con­fondant le cinéma avec la réalité. C’est ainsi que cela se passait sur l’écran.

Jacques Laroste paraissait ennuyé et il empêcha Louis de remplir encore une fois la coupe de Clau­dine. Elle s’excitait de plus en plus, parlant d’abon­dance, vantant les films qui lui plaisaient, en avouant qu’elle désirait cette vie.

Elle s’appuyait au dossier de son fauteuil, comme elle l’avait vu faire aux stars, et elle en saisissait la pose avec un heureux à-propos.

Enfin, un à un, les invités partirent, et quand Louis la salua pour prendre congé d’elle, sa main resta un peu longuement dans celle du jeune homme. Elle lui dit d’une manière presque provocante :

— Vous tiendrez votre promesse !

— Certainement ! Nous vous ferons débuter dans un petit rôle, et je suis sûr que vous aurez du succès.

— Que je suis contente !

Quand elle fut seule avec Jacques Laroste, elle murmura :

— Si seulement ma vie pouvait changer ! Si vous saviez combien je me trouve misérable dans ma con­dition ! Je vous assure que je me sens créée pour autre chose !

Laroste l’écoutait en souriant, connaissant ces di-