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AUTOUR D’UN CANDIDAT

Il l’interrompit :

— Je ne saisis pas encore la beauté cachée de ce sentiment-là… Votre âme s’épanouit quand vous voyez quelqu’un dans le chagrin… C’est bien cela ?

— Oh ! non !… s’écria la malheureuse Louise…

Que lui prenait-il de lutter avec un avocat qui connaissait toutes les finesses de la langue et qui pouvait se jouer des mots que l’on énonçait. Elle devinait qu’en ce moment il la comprenait mais qu’il s’amusait comme un chat s’amuse d’une souris.

— Alors, Mademoiselle, procédez par ordre… Avancez bien clairement vos arguments, et je saurai ce dont vous désirez me convaincre…

— C’est très difficile, reprit Louise avec un nouvel élan d’énergie… Enfin, j’ai la sensation d’être moins timide, de me sentir plus forte quand je vois une personne dans la tristesse, parce que cette tristesse la rend plus faible à mes yeux… J’ai l’impression, alors, que je lui suis supérieure durant quelques instants et cela m’encourage à lui montrer le fond de mon cœur…

Marcel écoutait, aussi surpris qu’intéressé. Il découvrait enfin l’âme de cette jeune fille, et les sentiments qu’elle avouait là, un peu par force, lui paraissaient fort délicats.

Il répondit d’une voix sans ironie :

— Ce que vous venez d’exprimer là, Mademoiselle, est tout à fait joli et prouve votre belle nature féminine.

— Je ne sais pas du tout si j’ai une belle nature, repartit vivement Louise au comble de l’embarras, mais voyant votre pauvre mère