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AUTOUR D’UN CANDIDAT

votre vie sur les degrés d’une échelle. J’ai assez atteint de sommets de rayons, sans être tenté par les échelons de la politique.

— Trêve d’esprit, Monsieur. On ne se repose pas quand on sait que la patrie a besoin de vous !

Ces conversations se renouvelaient une ou deux fois par jour depuis que la châtelaine savait quels candidats se présentaient dans la circonscription. Elle ne pouvait pas supporter l’idée d’un tel abandon.

Mais elle ne pouvait rien contre l’apathie de son mari. Cependant, le châtelain était populaire. On l’aimait pour sa bonté, son laisser-aller démocratique, ses conseils, sa générosité et cette politesse qu’il conservait jusque dans la familiarité.

Mme de Fèvres enrageait que cette popularité ne servît pas. Il eût passé comme une muscade, et sa femme aurait pu régenter le pays à son aise.

Elle brûlait d’organiser, de dominer, et se désolait encore à soixante ans de ne pas être née homme. Elle se sentait l’âme d’un brasseur d’affaires, les pensées d’un ministre et l’assurance d’un empereur.

Pour le moment, il ne s’agissait que d’un député et elle en voulait au gouvernement de ne pas laisser élire les femmes.

Quand elle avait ainsi exhorté au courage son époux invincible, elle allait trouver sa fille Jeanne et se lamentait :

— Ton père est insensé ! Il a tous les atouts dans la main et il va laisser cette merveilleuse chance à un concurrent sans scrupules. C’est criminel.