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Armelle ne se reconnaissait plus. Elle rougissait de se savoir cruelle.

Habituellement, elle ne se sentait pas méchante et elle se demandait ce qui se passait en elle.

Pourtant ce jeune homme était beau, et si elle avait dû se marier, certainement elle eut aime ce genre de fiancé.

Quel était ce mystère ? D’où provenait ce besoin de s’occuper de cet étranger ? et pourquoi ce tourment qu’elle ignorait quelques jours auparavant ?

Sa mémoire se reportait sur le visage tour à tour pâle et furieux, doux et pensif et elle revivait les moments de trouble qu’ils avaient vécus tous les deux.

« Émile Gatolat, répétait-elle—…jamais je n’oserai avouer qu’il me plaît. Ce serait une trahison pour ma tante et une mésalliance pour la famille. Je sais que mon oncle a épousé Mlle Joronel, mais elle a changé de nom par son mariage, tandis que moi, je perdrais le mien… Mme Gatolat… ma tante en mourrait. Ce nom me serait indifférent, on dit que la vie est courte. Si j’étais heureuse sous l'appellation de Gatolat, aurais-je tort de le vouloir ? Mmes de la Pornavine ont été si malheureuses sous leur beau nom.

Ainsi raisonnait Armelle tout en descendant, derrière sa tante, le bel escalier de l’hôtel pour se rendre dans la vaste salle à manger.

— Il parait, ma petite enfant, que tu as visité notre musée ?

— Oui, mon oncle.

Mlle de Saint-Armel aînée prit la parole :

— Et notre Armelle y a rencontré une sorte de peintre qu’elle a écrasé de son dédain.