Page:Fiel - Armelle devant son vainqueur, paru dans l'Ouest-Éclair du 3 septembre au 10 octobre 1937.djvu/6

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tes. Elles n’avaient jamais pensé à visiter les richesses de la ville qu'elles habitaient.

— Il s’agit de nous débrouiller, poursuivit Louise, et voici ce que je propose.

Elle prit un temps d’arrêt pendant que ses amies attendaient ses paroles dans une anxiété amusée.

— Nous avons des loisirs. Dans une petite ville, le temps s’égrène lentement. Il faut un aliment à nos vingt ans. Nous allons donc préparer nos parents à l’idée que la peinture est un art des plus captivants et que nous allons copier en chœur nos plus belles œuvres. Les mères, la plupart du temps, n’ont pas les yeux ouverts et nulle d’elles, j’en jurerais, ne sait que notre inconnu passe deux heures, chaque jour, dans la contemplation de notre trésor. Nous sommes donc lavées d’avance du soupçon de curiosité ou de flirt. Pour ma part, je suis certaine que maman sera ravie de me voir pratiquer la peinture, elle qui me reproche mon manque de penchant artistique. Êtes-vous d’accord ?

Bien que cette suggestion fût assez hardie, deux réponses parvinrent en même temps aux oreilles de Louise :

— Hurrah !

— All right !

— Nous allons donc commencer le siège de nos parents dès ce soir. Nous dirons que cette vie sans beauté ne nous convient pas et que nous voulons y apporter une note plus élevée.

Cependant, si les langues s’agitaient, les yeux ne perdaient pas de vue la porte d’où devait surgir « l’espoir » de cette réunion.

Bientôt les ouvrages furent délaissés par les doigts négligents et les regards seuls furent en activité.