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tait de savoir si les chevaux pourraient supporter cette course.

Le vieux cocher ne riait pas, parce qu’il était stylé, mais il eût aimé répondre :

— Fatigués ? mes chevaux ! Mademoiselle ne sait pas ce qu’elle raconte !

À la place de cette boutade, il disait respectueusement ;

— Mes chevaux pourront même faire une course plus longue, si Mademoiselle le désire.

— Oh ! non… oh ! non… ce serait beaucoup trop !

Mlle de Saint-Armel aînée pensait à ses propres jambes qui commençaient à sentir leurs soixante-dix ans.

Mlle de Saint-Armel cadette aurait voulu effectuer tout le trajet à pied, mais une jeune fille de grande maison ne pose pas ses talons à terre, si ce n’est dans les allées de son domaine.

Ce parc si merveilleux possédait des limites qu’Armelle trouvait maintenant assez restreintes. Le jardin qui entourait l’hôtel avait suffi à ses jeunes ans. et, actuellement, le Parc, aux abords de la ville, devenait étroit à sa jeunesse.

L’esprit, l'âme, le cœur de la jeune fille s’entr’ouvraient. Ils avaient besoin d’espace.

Armelle se demandait pourquoi elle n’avait pas d’amies et pourquoi tous les hommes étaient des monstres. Elle ne comprenait pas bien ces choses, car elle avait encore une intelligence comprimée.

— Ma tante, ce monsieur qui vous a demandée en mariage, était méchant ?

Le mot méchant avait, dans la bouche d’Armelle, la signification du « gros loup qui fait peur ».

— Mais non, ma tourterelle, il était fort gentil.