— Pourquoi donc, ma tante ?
— Parce qu’elles te prêchent la révolte…
— Oh ! que non. ma tante. J’ignore pourquoi ma nature se transforme en ce moment… Je n’avais aucune idée, il j a quelque temps, et aujourd’hui tout me devient sujet à réflexion…
— C’est un tort…
— J’en suis certaine, ma tante… Jusqu’alors, je trouvais que la vie était un beau jardin dont je me contentais. Maintenant, j’aperçois la rancune, l’envie, la souffrance qui rampent dedans comme des reptiles… Pourquoi, ma tante, ne vous êtes-vous pas ingéniée à ne conserver mes premières illusions ?
— Tu aurais eu trop de déceptions…
— Mon oncle, lui, est tout autre que vous… Je suis persuadée qu’il ne creuse rien et qu’il ignore la vengeance. Par moment, je crois lui ressembler par sa simplicité et son amabilité, et à d’autres, je me sens orgueilleuse et même arrogante.
— C’est ainsi que tu dois être, ma nièce…
— Tant que l’on se montre aimable pour moi, je suis douce, mais si l’on me faisait un affront, je me défendrais comme un aigle.
— Bravo, ma petite fille.
— Est-ce bien évangélique, ma tante ?
Mlle de Saint-Armel réfléchit un instant, puis répondit :
— Pour une de Saint-Armel, oui…
— C’est bizarre qu’il y ait deux manières d’envisager les choses…
Un silence pesa, puis une voix gaie cria :
— Vous complotez, mesdemoiselles ?
C’était le marquis.