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nous pouvons évoquer de si beaux souvenirs !

Armelle trouvait sa tante bien personnelle.

Elle oubliait donc qu’elle avait près d’elle une jeune fille qui ne possédait pas de souvenirs, si ce n’était le cauchemar atroce de n’avoir plus de parents du jour au lendemain.

Un peu indignée de se savoir tout à coup âgée de plus de soixante-dix ans, elle s’écria :

— Moi, ma tante, je n’ai pas de choses gaies dans mon passé et toutes les tabatières royales ne sauraient remplacer pour moi un présent heureux ou même amusant.

Mlle  de Saint-Armel aînée écoutait ces paroles avec une surprise douloureuse. Elle désirait une nièce combative, mais pas contre elle.

Elle reprit plus sourdement :

— Mon fiancé fumait, et n’importe quel tabac, je le sus quelques jours après nos fiançailles. Je lui en marquai mon étonnement. Il se confessa et m’avoua qu’il se passerait plutôt de nourriture que de fumer. J’employai toute ma tendresse à le persuader que ce vice lui nuirait. Il ne fit que rire. Je me montai lui reprochai de ne point m’aimer puisqu’il me refusait la première chose que je sollicitais de lui. Il me demanda si j’aurais beaucoup de ces exigences. Je ne pus me tenir de lui répondre que, le croyant doté de beaucoup de défauts, j’aurais sans doute fort à faire pour l’en corriger. Il contempla mes yeux courroucés, mes lèvres pincées et le lendemain la rupture était définitive, alors que je pensais n’avoir osé qu’une plaisanterie permise à une jolie jeune fille, car je fus jolie… Un silence plana, puis Armelle dit :