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VI


Armelle ne savait comment expliquer les jours qu’elle vivait. Il lui semblait qu’un bouleversement avait changé ses facultés. Une émotion constante, qu’elle n’avait jamais éprouvée, transformait ses traits, les pétrissait d’une émouvante beauté.

Elle ne reconnaissait plus le logis où elle évoluait et dans lequel cependant tout était semblable à la veille.

Un bonheur paraissait enfoui sous les choses, un bonheur, mais aussi une mélancolie, parce qu’une lutte s’annonçait.

Le rêve était encore indistinct ; il avait des contours indéterminés, Armelle ne savait pas encore comment elle forcerait ce présent indécis à devenir une réalité, mais elle en cherchait les moyens.

Gontran Solvit l’attirait et elle avait compris le jeune pouvoir qu’elle exerçait sur lui. Cela avait été une lumière aveuglante. Son cœur a l’état de chrysalide s’était brusquement ouvert.

Armelle n’ignorait pas que cette tendresse la dominerait à jamais. Elle ne cherchait pas à comprendre pourquoi. Elle la subissait comme on accepte la pluie ou le gel.

Son âme se détachait lentement de tout le passé, des jeux puérils, de l’existence qu’elle n’avait pas créée autour d’elle.

Aujourd’hui, elle se sentait une force avec laquelle les autres forces compteraient.

Mais il y avait la promesse donnée à sa tante. La régnait l’obscurité. Un homme avait désespéré Mlle  de Saint-Armel mais était-il certain que tous les hommes fussent semblables ?