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modestie. Ses longs cils battaient comme des ailes, ses lèvres fraîches s’entr’ouvraient sur des dents nacrées.

M. de Saint-Armel se disait : « Comme Armelle vient d’embellir subitement… La pauvre enfant est subjuguée. Il est certain qu’à côté de moi, des domestiques et des fournisseurs ce jeune homme peut passer pour l’Apollon. Puis Agal l’a mordu et c’est un lien puissant qui participe de la pitié et de l’attendrissement. »

Cependant Armelle se reprenait et ses yeux perdaient leur couleur claire qui se remplaçait par des ombres inattendues.

— Mademoiselle, demanda Gontran, n’avez-vous pas le désir de peindre ?

— Pourquoi ? répliqua Armelle.

À cette réponse imprévue, l’artiste balbutia :

— Mais pour fixer de façon éternelle la beauté de ces magnificences.

D’un geste large, le jeune homme désignait de sa main étendue le panorama où les plantes verdoyaient.

— Je préfère la nature vivante… riposta sèchement la jeune fille.

— Eh ! eh ! petite fille, intervint le marquis, tu fais preuve d’exclusivisme…

— Armelle a raison, accentua Mlle de Saint-Armel avec force, la peinture n’est bonne que pour distraire les hommes. J’ai, pour ma part, l’horreur de ces arbres figés, de ces fleurs rigides… Tout cela n’est beau que par sa mobilité.

Pourquoi, pendant que sa tante débitait ces aperçus désagréables, Armelle levait-elle sur Gontran des yeux suppliants ?

Il aurait répliqué assez vivement à cette diatribe si ce regard n’avait eu une puissance mystérieuse.