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ÉPREUVES MATERNELLES

VI


À partir de ce jour, tous les efforts, toutes les facultés de Denise tendirent à chercher le moyen de s’échapper. Elle s’y prépara minutieusement. Elle ne manquait pas de quelque argent liquide qui lui suffirait pour les premiers moments.

Elle ne voulait emporter aucun des bijoux que son mari lui avait donnés. Ils lui causaient de l’horreur.

Les jours qui suivirent cette décision, elle essaya de paraître tombée dans l’état d’inertie dans lequel Paul la voyait ordinairement, mais un feu intérieur l’animait. Elle retenait ses gestes vifs, sa voix plus vibrante.

Un soir, elle eut une grande joie : elle comprit que ses enfants habitaient Neuilly. Elle rendit grâces au ciel, les croyant plus éloignés de Paris. Son énergie se décupla.

Maintenant la porte d’entrée occupa tous ses instants de solitude. Ce n’était qu’un panneau de bois, mais encore fallait-il passer de l’autre côté. Elle aurait pu sauter par une fenêtre du rez-de-chaussée, mais elle ne s’y résignait pas. La hauteur était d’ailleurs assez importante, et comme l’avenue était fréquentée, elle ne pouvait guère se donner en spectacle. Son mari ne la laissait seule que quelques heures par jour et elle ne pouvait risquer ce saut en pleine lumière.

Il fallait que son évasion se passât sans bruit. Hantée par l’exécution de son plan, le reste la préoccupait moins. Elle visait maintenant un but qui abrégeait ses journées et quand Paul Domanet rentrait, il lui semblait que ce fût toujours trop tôt. Comme elle se creusait la tête pour parvenir à ses fins, ayant envisagé de percer le panneau inférieur de la porte pour s’y glisser, il survint la chose la plus simple du monde : son mari oublia de fermer à clef.

Absorbé sans doute par quelque affaire, il avait