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ÉPREUVES MATERNELLES

elle tomba sans connaissance, les nerfs exaspérés sous les outrages répétés.

Quand elle reprit conscience, elle était dans sa chambre. La réalité l’empoigna tout de suite en voyant son mari, seul près d’elle, et ses larmes se précipitèrent.

Il respecta ses pleurs pendant quelques moments. Quand il la vit plus calme, il dit :

— J’espère que vous allez montrer plus de courage ; puisque vous avez prétendu ne pas aimer le luxe, ingéniez-vous pour vous organiser.

Et ainsi Denise tomba plus bas dans l’abîme de la douleur. Degré par degré, elle s’enlisait à chaque nouveau désespoir, ne sachant comment remonter à la surface.

Elle connut toute la cruauté de vivre sans tendresse. Une vie étrange commença pour elle. Le vaste hôtel fermé, elle y fut recluse. Pour tout le monde, elle était partie sous un autre ciel, afin de se soigner. Cette mesure n’étonna personne, parce qu’on la trouvait fatiguée, mais ce fut la soudaineté de cette absence qui souleva des commentaires, on crut à une attaque de folie.

Quand on se présentait à l’hôtel de l’industriel, on se montrait surpris que tout fût clos, et que nul domestique ne se trouvât là pour répondre.

Lorsqu’on rencontrait Domanet, on lui demandait des nouvelles de sa femme, et l’on ne cachait pas sa surprise de la savoir tout à coup si malade. Il renseignait brièvement, marquant ainsi que ce sujet lui était pénible. Il ajoutait qu’il avait congédié sa maison et placé ses enfants, ne pouvant assumer une telle responsabilité avec ses affaires et le souci que lui causait cet événement.

On le plaignait.

Il ne le méritait guère. Rentré chez lui, ses sarcasmes pleuvaient sur la pauvre Denise. Elle ne pouvait rien pour se défendre. Aucune aide ne pouvait lui venir. De quel secours aurait-on pu être à son égard ? L’atroce phase qu’elle traversait dépendait de la volonté de son mari. De quel droit se serait-on mêlé de ce qu’il infligeait à sa femme. Il n’exerçait sur elle qu’une vengeance morale, sans la maltraiter. Il pouvait, si bon lui semblait, la priver