Page:Fiel - Épreuves maternelles, 1930.djvu/29

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
27
ÉPREUVES MATERNELLES

que l’air de la maison devenait plus respirable. Alors la pensée de son frère souffrant, revint plus aiguë à son esprit. Pourquoi négligerait-elle une semblable occasion d’aller le voir ?

Qui le saurait ? N’était-elle pas libre, après tout de visiter un parent ? En quoi, comme l’insinuait Mme Zode, cette visite si douce et si douloureuse en même temps, pourrait-elle nuire aux intérêts de son mari, puisque personne ne s’en douterait ?

La jeune femme avait trop à cœur de racheter son silence et cette lettre si hâtivement envoyée, pour résister longtemps à cette suggestion.

Denise était trop humaine dans ses sentiments, pour se désintéresser de tels sentiments. Elle voulait se justifier aux yeux de son frère, et s’épancher dans sa tendresse fraternelle.

Son parti fut arrêté. Il y avait vingt-quatre heures que Mme Zode était partie et elle ne devait rentrer que le lendemain soir. Denise jugea que loin de ce guet, elle pourrait accomplir ce qui lui tenait tant au cœur.

Elle se disait que son mari, en admettant qu’il apprît sa conduite, ne pourrait lui en vouloir. Elle s’entourerait de précautions afin que le caractère nuisible qu’il attribuait à cette visite ne pût lui causer de tort. Elle envisageait même l’éventualité de lui en faire l’aveu. Il serait clément parce qu’elle était la mère de ses enfants.

Elle voyait tout, à travers la joie que suscitait en elle, la perspective de cette rencontre prochaine.

Le missionnaire était dans un couvent dont elle avait l’adresse. Elle s’y dirigea le matin, à pied, vêtue d’un manteau simple et sombre.

Paul était parti pour ses affaires, une heure avant elle au moins.

Quelle joie de fouler le pavé en toute indépendance ! Quel soulagement de n’avoir pas de chauffeur intrigué ni de cousine Zode à l’affût.

Les tempes battantes elle arriva chez son frère. Elle appréhendait de le savoir plus souffrant et son bonheur était mitigé.

À sa surprise joyeuse, elle le vit pâle encore, mais debout et attendri de la revoir. Il la serra sur sa poitrine de grand frère et elle pleura d’émotion sur ce cœur qui comprenait toutes les souffrances.